L’IA peut aider à réduire l’empreinte énergétique dans beaucoup de secteurs d’activités 

Chercheur à l’INRIA et spécialiste de l’apprentissage automatique, Francis Bach revient sur les principaux succès de l’intelligence artificielle mais évoque aussi les limites de cette technologie.

Pourriez-vous illustrer un exemple d’applications de l’IA qui vous semble réussi ou prometteur ? 

À l’heure actuelle, l’intelligence artificielle est surtout visible dans les publicités et le marketing personnalisé. Si cette application est un véritable succès commercial, elle n’en est pas forcément glorieuse. Elle pose aussi la question de l’utilisation des données sur la vie privée des utilisateurs, bien souvent à leur insu. Il existe d’autres applications réussies comme en témoignent les procédés de reconnaissance des images et la traduction automatique. Le potentiel de l’IA dans le domaine de la médecine est aussi bien réel. Mais il existe encore un décalage important entre la technique, souvent aboutie, et la prise en charge des patients qui reste balbutiante. La question de l’accès aux données est aussi centrale à la généralisation de l’IA dans ce domaine. L’enjeu est aujourd’hui de savoir comment ouvrir les données de santé tout en protégeant la vie privée des patients.

À l’inverse, quel exemple d’application de l’IA vous semble impossible dans un délai raisonnable ? 

La promesse de la voiture autonome sur les mêmes réseaux routiers que les voitures classiques ne va pas se matérialiser avant longtemps. À l’heure actuelle, seule l’aide à la conduite fonctionne mais l’autonomie totale ne figure plus parmi les anticipations sérieuses à court ou moyen terme. Pour fonctionner par apprentissage automatique, le véhicule aurait besoin d’une quantité de données beaucoup plus importante. 

Quels sont les grands enjeux de l’IA au regard de la consommation énergétique qu’elle requiert ? 

L’IA est souvent pointée du doigt dès lors que l’on évoque la consommation énergétique.  Il faut néanmoins replacer les choses dans le contexte. Cette technologie fait partie des sciences du numérique, qui recouvrent quelque 4 à 5 % des émissions de gaz à effet de serre. La contribution de l’IA au sein du numérique est pour l’instant assez faible. Par ailleurs, des travaux sont aujourd’hui réalisés pour réduire le coût important que représentent la phase d’apprentissage et celle du déploiement de l’IA. Sur un aspect plutôt positif, l’IA peut à son tour aider à réduire l’empreinte énergétique dans beaucoup de secteurs d’activités : elle permet ainsi de mesurer les impacts environnementaux et de mieux piloter les processus industriels, comme la logistique. Si l’IA n’offre pas de solution miracle, elle peut néanmoins contribuer à la lutte contre le changement climatique. 

Quel rôle va jouer l’IA sur la transformation des emplois ?

L’IA est souvent caractérisée comme une technologie à usage général au même titre que l’électricité, en raison de son impact sur l’ensemble des domaines de l’industrie. Par le passé, ces technologies ont été plutôt génératrices de croissance : si les emplois ont été transformés, ils n’ont pas été diminués. Certaines études sans aucune crédibilité ont voulu faire croire que l’IA allait remplacer les êtres humains. Or, pour l’heure, l’Intelligence artificielle fonctionne surtout comme un outil d’aide à la décision et uniquement sur des données informatisées.